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LA LUTTE DU BON PRINCIPE AVEC LE MAUVAIS

étant devenues autres, il continuera cependant, selon toute apparence, guidé par le même principe, à suivre le même chemin et à se rapprocher toujours davantage du but inaccessible de la perfection, parce que, d’après ce qu’il a observé en lui jusqu’ici, il peut tenir son intention pour foncièrement améliorée. Au contraire, celui qui, même après avoir souvent pris la résolution de s’attacher au bien, n’a jamais trouvé pourtant qu’il pût s’y tenir, est constamment retombé dans le mal, ou même a dû, dans le cours de sa vie, constater en lui-même une chute toujours plus grande, glissant du mal au pire, comme sur une pente, celui-là raisonnablement ne peut pas se donner l’espoir, que, s’il avait encore à vivre ici-bas plus longtemps, ou qu’il eût aussi devant lui une vie future en réserve, réussirait à mieux faire, parce que, à ces indices, il doit juger que la corruption est enracinée dans son intention. Or la première alternative met sous nos yeux un avenir qui s’étend à perte de vue, mais que nous désirons parce qu’il est heureux, tandis que la seconde nous présente une misère également sans fin, ― c’est-à-dire que toutes les deux nous découvrent, au regard des hommes, d’après ce qu’ils peuvent juger, une éternité bienheureuse ou malheureuse, représentations qui sont assez puissantes l’une et l’autre pour exciter les uns à se tranquilliser et à s’affermir dans le bien, et pour réveiller dans les autres les remords de conscience qui poussent à se libérer, autant qua possible, du mal et qui, par conséquent, peuvent toutes les deux nous servir de mobiles, sans qu’il soit nécessaire, d’aller jusqu’à supposer objectivement une éternité de bien ou de mal, comme devant titre le sort de l’homme et de convertir ces idées en propositions dogmatiques[1], prétendues connaissances et asser-

  1. Au nombre des questions qui, en, admettant qu’on pût y répondre, ne comporteraient que des solutions, dont on ne pourrait faire aucun profit sérieux (et que pour ce motif on pourrait appeler des questions puériles), se trouve celle-ci : les peines de l‘enfer seront-elles finies