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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


convives ne doit pas être au-dessous du nombre des Grâces, ni au-dessus de celui des Muses 1[1] »


Je m’arrêterai davantage sur Γarticle du mensonge, le premier des vices que Kant groupe sous le titre des devoirs parfaits de l’homme envers lui-même au point de vue purement moral, parce que sa théorie sur cet objet est sujette à controverse, et qu’attaquée en effet par l’un de nos plus illustres publicistes, Benjamin Constant, elle a été reprise et défendue par le philosophe de Kœnigsberg 2[2]. Il n’est pas sans intérêt de voir ces deux esprits si divers aux prises sur la question qui leur sert de terrain, et de chercher où se trouve ici la vérité.

En 1797, Benjamin Constant publia sous ce titre : Des réactions politiques, un écrit 3[3] où l’on remarquait les lignes suivantes : « Le principe moral, que dire la vérité est un devoir, s’il était pris d’une manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences très-directes qu’a tirées de ce premier principe un philosophe allemand, qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils pour suivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime. »

Quel était le philosophe allemand que voulait désigner Benjamin Constant, mais qu’il ne nommait pas ? Kant reconnaissait bien avoir dit pareille chose quelque part, mais il ne pouvait se rappeler en quel endroit. Il paraît d’ailleurs qu’un autre philosophe allemand, l’illustre professeur de l’université de Gœttingue, Jean David Michaelis avait déjà avancé la même opinion. Mais Kant apprit de quelqu’un, à qui Benjamin Constant l’avait déclaré, qu’il était bien le philosophe dont il était question dans récrit du publiciste français 4[4]. Dès lors,

  1. 1 Voyez l’histoire, déjà citée, des dernières années de la vie de Kant, par M. V. Cousin. — * Plus haut, p. xxiv-xxvii.
  2. 2 Voyez, à la fin de ce volume, p. 249-250, l’opuscule intitulé : D’un prétendu droit de mentir par humanité.
  3. 3 Voyez, sur cet écrit, ma note de la page 251.
  4. 4 Voyez sur tout cela, dans l’opuscule de Kant, les notes de Kramer et de Kant lui-méme, plus bas, p. 251.