nous ne leur accordons pas nous-mêmes. L’orgueil est la passion de l’ambitieux. Il est contraire an respect que nous devons aux hommes en général ; car de quel droit prétendons-nous traiter les autres avec dédain, comme s’ils ne pouvaient nous valoir, ou comme s’ils n’étaient pas des hommes comme nous ? Mais l’orgueil n’est pas seulement injuste, il est absurde : il a ordinairement un effet tout contraire à celui qu’il se propose, puisqu’il réussit d’autant moins qu’il se montre plus à découvert. Kant ajoute que l’orgueil suppose toujours au fond une âme basse. En effet celui qui veut que les autres se rabaissent devant lui montre par là qu’il se juge lui-même capable de ramper à son tour.
De la médisance.
Un autre vice du même gente est la médisance 1[1]. La médisance est sans doute moins coupable que la calomnie qui à la malveillance joint la fausseté, et tombe sous la vindicte de la justice publique ; mais elle est contraire au respect de l’humanité en général. En effet, en se plaisant à divulguer ce qui n’est pas à l’honneur des hommes, elle affaiblit en nous le respect de l’humanité même, sur laquelle elle jette le voile du discrédit. Aussi bien finit-elle par émousser notre sens moral dont ce respect est le mobile : on ne s’accoutume pas impunément au spectacle du vice. Au lieu de prendre un malin plaisir à divulguer les fautes des autres, pour excuser les siennes ou se relever dans l’opinion, il faut les voiler au contraire par respect pour l’humanité. C’est encore manquer à ce respect que d’espionner les mœurs d’autrui : c’est là une curiosité blessante à laquelle chacun a le droit de s’opposer.
De la raillerie.
Ce qui précède s’applique également à la raillerie 2[2], ou au penchant qu’ont certains hommes à tourner les autres en ridicule. Il y a une plaisanterie fort légitime : c’est celle qui consiste à rire entre amis et sans offenser personne de certaines particularités qui ne sont des fautes qu’en apparence, et qui n’ont souvent d’autre tort que celui d’être en dehors des usages de la mode. Mais se plaire à tourner en ridicule des fautes réelles, à plus forte raison des fautes imaginaires qu’on De la médisance. De la raillerie. >