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xxxiv
ANALYSE CRITIQUE


au-dessous de nous, comme ce ne sont pas des personnes, il ne peut y avoir de devoirs envers eux ; mais il peut y avoir et il y a en effet des devoirs envers nous-mêmes qui se rapportent à eux. Tel est, par exemple, celui de ne pas détruire de gaieté de cœur les beautés de la nature. Agir ainsi, c’est manquer à un devoir envers soi-même, car c’est affaiblir ou éteindre en soi un sentiment, qui, sans être moral par lui-même, dispose et prépare à la moralité : l’amour des beautés naturelles. Tel est surtout celui de ne pas traiter les animaux d’une façon brutale et cruelle. C’est encore violer un devoir envers soi-même que de se conduire ainsi, car c’est émousser en soi le sentiment de la pitié, c’est-à-dire une disposition naturelle très-favorable à la moralité de l’homme dans ses rapports avec ses semblables. Si Kant n’admet pas que nous ayons des devoirs envers les animaux, il n’en condamne pas moins comme des actes odieux ces expériences douloureuses que l’on fait sur eux dans un intérêt purement spéculatif, surtout lorsqu’on peut arriver au même but par d’autres moyens, et il va même jusqu’à élever au rang de nos devoirs la reconnaissance pour les services d’un vieux cheval ou d’un vieux chien, devenu pour nous comme une personne de la maison.

Devoirs imparfaits de l’homme envers lui-même.

Tous les devoirs dont il a été question jusqu’ici étaient des devoirs parfaits ou d’obligation stricte : aussi Kant les a-t-il pu exposer en général sous le titre des vices qui en sont la transgression. Mais nous avons encore d’autres devoirs envers nous-mêmes qui sont imparfaits ou d’obligation large. Les premiers étaient restrictifs ou négatifs : ils nous défendaient d’agir contre la fin de nôtre nature ; les seconds sont positifs : ils nous ordonnent de travailler au perfectionnement de nous-mêmes. Ceux-là n’avaient d’autre but que d’entretenir en nous la santé morale, sans laquelle nous ne serions même plus des hommes ; ceux-ci tendent à quelque chose de meilleur encore : ils veulent joindre la richesse à la santé. « Vis conformément à la nature, » telle est la formule des premiers ; « rends-toi plus parfait que ne t’a fait la nature, » voilà celle des seconds 1[1]. On voit tout de suite comment, tandis que les

  1. 1 Voy. sur ce point le § 4 : Du principe de la division des devoirs envers soi-même, p. 72 et 73.