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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


ici la faute, suivant les principes de l’éthique ? Sans doute aussi sur le domestique, qui a violé ici un devoir envers lui-même par un mensonge, dont sa propre conscience doit lui reprocher les conséquences. »

De l’avarice.

L’avarice 1[1] tue la charité dans le cœur de l’homme, et par là elle est contraire au devoir envers autrui, mais elle est contraire aussi au devoir envers soi-même, et c’est sous ce point de vue que nous devons l’envisager ici. Elle consiste à restreindre la jouissance de nos moyens d’existence jusqu’au-dessous de la mesure de nos vrais besoins, ce qui est évidemment contraire au devoir envers nous-mêmes. L’avarice est opposée à la prodigalité ; mais Kant rappelle et applique ici ce qu’il a dit plus haut contre le principe d’Aristote. Il y a une vertu contraire à la fois à la prodigalité et à l’avarice, mais il ne serait pas exact d’en ramener l’appréciation à une question de degré, et de la faire consister elle-même dans une sorte de milieu entre ces deux vices opposés. Autrement elle ne serait plus qu’un vice diminué, ou un vice défaillant. Ce n’est pas une différence de degré, mais une différence de nature qui sépare en général la vertu du vice : elle a ses principes, et le vice vient de ce que l’on en suit de contraires ; c’est pour cela qu’il s’appelle vice. Le principe de la prodigalité est de ne songer qu’à la jouissance actuelle ; celui de l’avarice, de n’avoir en vue que la possession. Tous deux sont contraires au devoir envers soi-même, qui exige également qu’on ne dissipe pas sans raison ce qui peut servir à de bonnes fins, et qu’on ne renonce pas à en faire usage pour le seul plaisir de le posséder. La prudence peut ici se joindre à la vertu, et en ce sens le principe d’Aristote et d’Horace est admissible ; mais il ne faut pas oublier que la prudence n’est pas la vertu. Il se peut qu’en nous attachant fortement à celle-ci, nous commettions des fautes contre celle-là ; qui oserait alors nous accuser de vice, et nous reprocher d’avoir trop de vertu ? Cela reviendrait à dire qu’un cercle peut être trop rond ou une ligne droite trop droite.

Questions casuistiques.

Mais dans le cas dont il s’agit ici, la vertu est-elle vraiment

  1. 1 § 10, p.92.