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DE L’ÉDUCATION PRATIQUE.

Le meilleur moyen de rendre d’abord claire l’idée de Dieu, ce serait d’y chercher une analogie dans celle d’un père de famille sous la surveillance duquel nous serions placés ; on arrive ainsi très-heureusement à concevoir l’unité des hommes qu’on se représente comme formant une seule famille.

Qu’est-ce donc que la religion ? La religion est la loi qui réside en nous, en tant qu’elle reçoit son influence sur nous d’un législateur et d’un juge ; c’est la morale appliquée à la connaissance de Dieu. Quand on n’unit pas la religion à la moralité, elle n’est plus qu’une manière de solliciter la faveur céleste[1]. Les cantiques, les prières, la fréquentation des églises, toutes ces choses ne doivent servir qu’à donner à l’homme de nouvelles forces et un nouveau courage pour travailler à son amélioration ; elles ne doivent être que l’expression d’un cœur animé par l’idée du devoir. Ce ne sont que des préparations aux bonnes œuvres, mais non de bonnes œuvres, et l’on ne peut plaire à l’Être suprême qu’en devenant meilleur.

Il faut avec les enfants commencer par la loi qu’ils portent en eux. L’homme est méprisable à ses propres yeux quand il tombe dans le vice. Ce mépris a son principe en lui-même, et non dans cette considération que Dieu a défendu le mal ; car il n’est pas nécessaire que le législateur soit en même temps l’auteur de la loi. C’est ainsi qu’un prince peut défendre le vol dans ses États, sans qu’on puisse le considérer pour cela comme l’auteur de la défense du vol. L’homme apprend par là à reconnaître que sa bonne conduite seule peut le rendre digne du bonheur. La loi divine doit paraître en même temps comme une loi naturelle, car elle n’est pas volontaire. La religion rentre donc dans la moralité.

Mais il ne faut pas commencer par la théologie. La religion, qui est fondée simplement sur la théologie, ne saurait contenir quelque chose de moral. On n’y aura d’autres sentiments que celui de la crainte, d’une part, et l’espoir de la récompense de l’autre, ce qui ne produira qu’un culte superstitieux. Il faut donc que la moralité précède et que la théologie la suive, et c’est là ce qui s’appelle la religion.

  1. Gunstbewerbung.