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PÉDAGOGIE.


coup disputé. Les idées religieuses supposent toujours quelque théologie. Or comment enseigner une théologie à la jeunesse, qui, loin de connaître le monde, ne se connait pas encore elle-même ? Comment la jeunesse, qui ne sait encore ce que c’est que le devoir, serait-elle en état de comprendre un devoir immédiat envers Dieu ? Ce qu’il y a de certain, c’est que, s’il pouvait arriver que les enfants ne fussent jamais témoins d’aucun acte de vénération envers l’Être suprême, et même qu’ils n’entendissent jamais prononcer le nom de Dieu, il serait alors conforme à l’ordre des choses d’attirer d’abord leur attention sur les causes finales et sur ce qui convient à l’homme, d’exercer par là leur jugement, de les instruire de l’ordre et de la beauté des fins de la nature, d’y joindre ensuite une connaissance plus étendue encore du système du monde, et de leur ouvrir d’abord par ce moyen l’idée d’un Être suprême, d’un législateur. Mais, comme cela n’est pas possible dans l’état actuel de la société, comme on ne peut faire qu’ils n’entendent pas prononcer le nom de Dieu et qu’ils ne soient pas témoins des démonstrations de la dévotion à son égard, si l’on voulait attendre pour leur apprendre quelque chose de Dieu, il en résulterait pour eux ou une grande indifférence, ou des idées fausses, comme par exemple la crainte de la puissance divine. Or, comme il faut éviter que cette idée ne se glisse dans l’imagination des enfants, on doit, pour les en préserver, chercher de bonne heure à leur inculquer des idées religieuses. Cependant cela ne doit pas être une affaire de mémoire et d’imitation, une pure singerie, mais le chemin choisi doit toujours être approprié à la nature. Les enfants comprendront, même sans avoir d’idée abstraite du devoir, de l’obligation, de la bonne ou mauvaise conduite, qu’il y a une loi du devoir, que ce n’est pas la commodité, l’utilité ou d’autres considérations de ce genre qui la déterminent, mais quelque chose de général qui ne se règle pas sur les caprices des hommes. Mais le maître même doit se faire cette idée.

On doit d’abord tout attribuer à Dieu dans la nature et ensuite la lui attribuer elle-même. On montrera, par exemple, en premier lieu, comment tout est disposé pour la conservation des espèces et leur équilibre, mais de loin aussi pour l’homme, de telle sorte qu’il puisse travailler lui-même à son bonheur.