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DE L’ÉDUCATION PRATIQUE.


(qui consiste à se vaincre soi-même, soit dans la colère, soit dans l’amour du bien-être, soit dans celui des richesses), la bienfaisance, la domination de soi-même ; aux secondes, la loyauté, la bienséance et la douceur ; aux troisièmes enfin, la bonne foi, la modestie et la tempérance.

C’est une question si l’homme est par sa nature moralement bon ou mauvais. Je réponds qu’il n’est ni l’un ni l’autre, car il n’est pas naturellement un être moral ; il ne le devient que quand il élève sa raison jusqu’aux idées du devoir et de la loi. On peut dire cependant qu’il a en lui originairement des penchants pour tous les vices, car il a des inclinations et des instincts qui le poussent d’un côté, tandis que sa raison le pousse d’un autre. Il ne saurait donc devenir moralement bon qu’au moyen de la vertu, c’est-à-dire d’une contrainte exercée sur lui-même, quoiqu’il puisse être innocent tant que ses passions sommeillent.

Les vices résultent pour la plupart de ce que l’état de civilisation fait violence à la nature, et pourtant notre destination comme hommes est de sortir du pur état de nature où nous ne sommes que comme des animaux. L’art parfait retourne à la nature.

Tout dans l’éducation dépend d’une chose : c’est que l’on établisse partout les bons principes, et qu’on sache les faire comprendre et admettre par les enfants. Ils doivent apprendre à substituer l’horreur de ce qui est révoltant ou absurde à celle de la haine, la crainte de leur propre conscience à celle des hommes et des châtiments divins, l’estime d’eux-mêmes et la dignité intérieure à l’opinion d’autrui, — la valeur intérieure des actions à celle des mots et la conduite aux mouvements du cœur, — l’intelligence au sentiment, — enfin une piété sereine et de bonne humeur à une dévotion chagrine, sombre et sauvage.

Mais il faut avant tout préserver les enfants contre le danger d’estimer beaucoup trop haut les mérites de la fortune (merita fortunæ).


Si l’on examine l’éducation des enfants dans son rapport avec la religion, la question est de savoir s’il est possible d’inculquer de bonne heure aux enfants des idées religieuses. C’est un point de pédagogie sur lequel on a beau-