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DE L’ÉDUCATION PRATIQUE.


devoirs doivent donc être tirés de la nature des choses. Nous devons donc considérer ici de plus près :

a. Les devoirs envers soi-même. Ils ne consistent pas à se procurer un habillement magnifique, à donner de splendides repas, etc., quoique dans l’habillement et dans les repas il faille rechercher la propreté. Ils ne consistent pas non plus à chercher à satisfaire ses désirs et ses penchants, car on doit au contraire se montrer très-mesuré et très-réservé, mais à conserver dans son intérieur une certaine dignité, celle qui fait de l’homme une créature plus noble que toutes les autres. C’est en effet le devoir de l’homme de ne pas méconnaître dans sa propre personne cette dignité de l’humanité.

Or nous oublions cette dignité quand, par exemple, nous nous adonnons à la boisson, quand nous nous livrons à des vices contre nature, quand nous nous jetons dans toutes sortes de déréglements, etc., toutes choses qui ravalent l’homme bien au-dessous de l’animal. Il n’est pas moins contraire à la dignité de l’humanité de ramper devant les autres, ou de les accabler de compliments, dans l’espoir de capter leurs bonnes grâces par une si indigne conduite.

On devrait rendre la dignité humaine sensible à l’enfant dans sa propre personne, par exemple dans le cas de malpropreté, qui à tout le moins messied à l’humanité. Mais c’est par le mensonge que l’enfant se rabaisse réellement au-dessous de la dignité humaine, car il suppose déjà développée en lui la faculté de penser et celle de communiquer aux autres ses pensées. Le mensonge fait de l’homme un objet de mépris général, et il lui enlève à ses propres yeux l’estime et la confiance que chacun devrait avoir à l’égard de soi-même.

b. Les devoirs envers autrui. On doit inculquer de très-bonne heure à l’enfant le respect des droits de l’homme, et veiller à ce qu’il le mette en pratique. Si, par exemple, un enfant rencontre un autre enfant pauvre et qu’il le repousse fièrement de son chemin, ou qu’il lui donne un coup, on ne doit pas lui dire : « Ne fais pas cela, cela fait mal à cet enfant ; sois donc compatissant, c’est un pauvre enfant, etc. ; » mais il faut le traiter à son tour avec la même fierté et lui faire vivement sentir combien sa conduite est contraire au droit de l’humanité. Pour ce qui est de la générosité, les enfants n’en ont pas du tout. C’est ce dont on peut se convaincre, par