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DE L’ÉDUCATION PHYSIQUE.


le temps de leur jeunesse comme le plus heureux et le plus agréable de leur vie. Mais il n’en est pas ainsi. Ce sont les années les plus pénibles, parce qu’on est alors sous le joug, qu’on peut rarement avoir un ami véritable et plus rarement encore jouir de la liberté. Horace avait déjà dit : Multa tulit fecitque puer, sudavit et alsit.


Les enfants ne doivent être instruits que des choses qui conviennent à leur âge. Bien des parents se réjouissent de voir leurs enfants parler avec la sagesse des vieillards. Mais on ne fait ordinairement rien d’enfants de cette espèce. Un enfant ne doit avoir que la prudence d’un enfant. Il ne doit pas être un aveugle imitateur. Or un enfant qui met en avant les maximes de la sagesse des hommes est tout à fait en dehors de la destination de son âge, et c’est chez lui pure singerie. Il ne doit avoir que l’intelligence d’un enfant, et ne doit pas se montrer trop tôt. Un pareil enfant ne sera jamais un homme éclairé et d’une intelligence sereine. Il est tout aussi intolérable de voir un enfant vouloir suivre déjà toutes les modes, par exemple se faire friser, porter des bagues et même une tabatière. Il devient ainsi un être affecté qui ne ressemble guère à un enfant. Une société polie lui est un fardeau, et le courage de l’homme finit par lui manquer tout à fait. C’est pourquoi aussi il faut lutter de bonne heure chez lui contre la vanité, ou plutot ne pas lui donner l’occasion de devenir vain. C’est ce qui arrive, lorsque l’on n’a rien de plus pressé que de répéter aux enfants qu’ils sont beaux, que telle ou telle parure leur sied à merveille, ou qu’on leur promet et leur donne cette parure comme une récompense. La parure ne convient pas à des enfants. Ils ne doivent regarder leurs habillements bons ou mauvais que comme des besoins indispensables. Mais aussi les parents ne doivent y attacher pour eux-mêmes aucun prix, et éviter de se mirer devant eux ; car ici, comme partout, l’exemple est tout-puissant, et fortifie ou détruit les bonnes doctrines.