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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


cessaire de décrire, sous le nom de méthodologie, les règles qui doivent nous diriger soit dans l’étude et renseignement, soit dans la pratique de ces devoirs en général. La première de ces méthodes est la didactique ; la seconde, l’ascétique.

Telles sont les divisions générales de l’éthique. L’analyse que nous allons faire de l’œuvre de Kant les éclaircira, et fera connaître les subdivisions qu’il y introduit.

L’homme a-t-il des devoirs envers lui-même ?

La première branche de l’éthique comprend les devoirs de L’homme envers lui-même 2[1]. Mais n’y a-t-il pas une contradiction dans cette idée d’un devoir envers soi-même 1[2] ? Puisque c’est envers moi que je suis obligé, et que par conséquent c’est moi-même qui m’oblige, ne puis-je pas toujours me délier de cette obligation, et dès lors que signifie ici le devoir ? Mais qu’on y prenne garde 3[3] : comme il n’y a pas de devoir de vertu où en définitive je ne m’oblige moi-même, il s’ensuivrait qu’il n’y aurait plus du tout de devoir, même envers autrui. Conséquence révoltante. Il est aisé de dissiper l’apparente contra diction qu’offre au premier abord l’idée d’un devoir envers soi-même : il suffit de distinguer en moi de l’être envers qui je suis obligé ou qui m’oblige l’être sensible que je suis également. C’est comme être appartenant au monde rationnel que je suis capable d’obligation ; et quand je dis que je suis obligé envers moi-même, cela signifie que je suis obligé envers l’humanité qui réside en ma personne. Il ne m’est donc pas loisible de me délier de cette obligation, et il faut reconnaître qu’il y a des devoirs de l’homme envers lui-même.

Devoirs parfaits de l’homme envers lui-même : Division de ces devoirs.

On les divise souvent en deux classes, dont l’une concerne le corps et l’autre l’âme. Mais c’est là, selon Kant, une mauvaise division. En effet, l’âme conçue comme un principe distinct du corps et capable de penser indépendamment du corps, en un mot comme une substance spirituelle, n’est pour lui qu’une hypothèse ; et quand cette hypothèse serait une vérité, il ne conçoit pas des devoirs envers un corps comme envers un sujet obligeant. Ce n’est donc pas sur cette distinction hypothétique de l’âme et du corps qu’il fondera sa

4 § 4, p. 71 à 75.

  1. 2 § l, p. 69.
  2. 1 Doctrine élémentaire, livre premier, trad. franç., p. 69.
  3. 3 § 2 et 3, p. 70 et 71.