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DE L’ÉDUCATION PHYSIQUE.


par cœur. Dans tous les cas cela ne sert qu’à leur donner plus de hardiesse, et la déclamation d’ailleurs est une chose qui ne convient qu’à des hommes. Ici se placent toutes les choses que l’on n’apprend qu’en vue d’un futur examen ou pour les oublier ensuite, in futuram oblivionem. On ne doit occuper la mémoire que de choses que l’on est intéressé à conserver et qui ont du rapport à la vie réelle. La lecture des romans est une très-mauvaise chose pour les enfants, car ils ne servent qu’à les amuser dans le moment où ils les lisent. Elle affaiblit la mémoire. Il serait en effet ridicule de vouloir les retenir et les raconter aux autres. Il faut donc retirer tous les romans des mains des enfants. En les lisant, ils se font à eux-mêmes dans le roman un roman nouveau, car ils en arrangent autrement les circonstances, et, laissant ainsi errer leur esprit, se repaissent de chimères.

Les distractions ne doivent jamais être tolérées, au moins dans l’école, car elles finissent par dégénérer en un certain penchant, en une certaine habitude. Aussi les plus beaux talents se perdent-ils chez un homme qui est sujet à la distraction. Quoique les enfants se distraient dans leurs recréations, ils se recueillent bientôt de nouveau ; mais on les voit surtout distraits, lorsqu’ils méditent quelque mauvais coup, car ils songent comment ils pourront le cacher ou le réparer. Ils n’entendent alors qu’à moitié, ils répondent tout de travers, ils ne savent pas ce qu’ils lisent, etc.

Il faut cultiver la mémoire de bonne heure, mais en ayant soin de cultiver en même temps l’intelligence.

On cultivera la mémoire : 1o En lui donnant à retenir les noms qui entrent dans les récits ; 2o par la lecture et l’écriture ; il faut exercer les enfants à lire de tête et sans avoir recours à l’épellation ; 3o par les langues, que les enfants doivent apprendre en les entendant, avant d’en venir à en lire quelque chose. Ce que l’on appelle un orbis pictus, quand il est convenablement fait, rend alors les plus grands services, et l’on peut commencer par la botanique, par la minéralogie et par la physique générale. Pour en retracer les objets, il faut apprendre à dessiner et à modeler, et pour cela on a besoin des mathématiques. Les premières connaissances scientifiques doivent avoir surtout pour objet la géographie, aussi bien mathématique que physique. Les récits de voyages,