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DE L’ÉDUCATION PHYSIQUE.


dicité. Les animaux ont aussi leur temps déterminé pour le sommeil. L’homme devrait également s’accoutumer à dormir à de certaines heures, afin de ne pas déranger son corps dans ses fonctions. Quant à l’autre chose, qui est que les enfants puissent manger en tout temps, on ne peut pas citer ici l’exemple des animaux. Car, comme la nourriture que prennent les animaux herbivores, par exemple, est peu nutritive, manger est chez eux une occupation ordinaire. Mais il est très-avantageux pour l’homme de manger toujours à des moments determinés. De même certains parents veulent que leurs enfants puissent supporter de grandes chaleurs, les mauvaises odeurs, tous les bruits, etc. Mais cela n’est pas le moins du monde nécessaire ; le tout est qu’ils ne prennent aucune habitude. Et pour cela il est bon de placer les enfants en différents états.

Un lit dur est beaucoup plus sain qu’un lit mou. En général une éducation dure sert beaucoup à fortifier le corps. Par éducation dure j’entends simplement celle qui fait qu’on ne s’habitue point à avoir toutes ses aises. Il ne manque pas d’exemples remarquables pour confirmer cette assertion ; mais malheureusement on ne les voit pas, ou, pour parler plus exactement, on ne veut pas les voir.

Pour ce qui est de la culture de l’esprit, que l’on peut bien aussi d’une certaine manière appeler physique, il faut surtout prendre garde que la discipline ne traite les enfants en esclaves, et faire en sorte qu’ils sentent toujours leur liberté, mais de manière à ne pas nuire à celle d’autrui ; d’où il suit qu’on doit aussi les accoutumer à rencontrer de la résistance. Bien des parents refusent tout à leurs enfants, afin d’exercer ainsi leur patience, et ils en exigent plus d’eux qu’ils n’en ont eux-mêmes. Cela est cruel. Donnez à l’enfant ce dont il a besoin, et dites-lui ensuite : Tu en as assez. Mais il est absolument nécessaire que cela soit irrévocable. Ne faites aucune attention aux cris des enfants, et ne leur cédez pas, lorsqu’ils croient pouvoir vous arracher quelque chose par ce moyen ; mais ce qu’ils vous demandent amicalement, donnez-le leur, si cela leur est bon. Ils s’habitueront ainsi à être francs ; et, comme ils n’importuneront personne par leurs cris, chacun en revanche sera bien disposé pour eux. La Providence semble vraiment avoir donné aux enfants une mine riante,