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DE L’ÉDUCATION PHYSIQUE.


mieux est de les laisser se traîner par terre jusqu’à ce que peu à peu ils commencent à marcher par eux-mêmes. On peut prendre la précaution de garnir la chambre de couvertures de laine, afin qu’ils ne se déchirent pas ou ne tombent pas si durement.

On dit ordinairement que les enfants tombent très-lourdement. Mais, outre qu’ils peuvent bien parfois ne pas tomber lourdement, il n’est pas mal qu’ils tombent quelquefois. Ils n’en apprennent que mieux à garder l’équilibre et à s’appliquer à rendre leur chute moins dangereuse. On leur met ordinairement ce que l’on appelle des bourrelets, qui sont assez proéminents pour que l’enfant ne puisse jamais tomber sur son visage. Mais c’est une éducation négative que celle qui consiste à employer des instruments artificiels, là où l’enfant en a de naturels. Ici les instruments naturels sont les mains, que l’enfant place devant lui en tombant. Plus on emploie d’instruments artificiels, moins l’homme peut ensuite se passer d’instruments.

En général il serait mieux d’employer d’abord peu d’instruments, et de laisser davantage les enfants apprendre par eux-mêmes ; ils apprendraient alors beaucoup de choses plus solidement. Il serait possible, par exemple, que l’enfant apprit par lui-même à écrire. Car quelqu’un l’a bien trouvé une fois, et cette découverte n’est pas en effet si difficile. Il suffirait par exemple de dire à l’enfant qui veut du pain : Pourrais-tu bien le figurer ? Il dessinerait une figure ovale. On lui dirait alors qu’on ne sait pas s’il a voulu représenter du pain ou une pierre ; il essayerait ainsi de tracer le B, et de cette manière il se ferait à lui-même son propre A B C, qu’il pourrait ensuite échanger contre d’autres signes.

Il y a des enfants qui viennent au monde avec certaines imperfections. On n’a pas alors les moyens de corriger ces formes vicieuses. Il est prouvé par les recherches d’un grand nombre de savants écrivains que les corsets ne peuvent être ici d’aucun secours, mais qu’ils ne servent qu’à aggraver le mal, en empêchant la circulation du sang et des humeurs, ainsi que le développement si nécessaire des parties extérieures et intérieures du corps. Lorsque l’enfant reste libre, il exerce encore son corps, mais un individu qui porte un corset est, lorsqu’il le dépose, beaucoup plus faible que celui