Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/330

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
PÉDAGOGIE.


leurs jeunes enfants des trous dans la terre ; ils en garnissent le fond avec de la poussière de vieux arbres, afin que l’urine et les immondices s’y absorbent, et que les enfants puissent ainsi rester secs, et ils les couvrent de feuilles ; mais, du reste, ils laissent à leurs enfants le libre usage de leurs membres. Si nous enveloppons les enfants comme des momies, c’est simplement pour notre propre commodité, afin de nous dispenser de veiller à ce qu’ils ne s’estropient pas, et c’est pourtant ce qui arrive souvent par l’effet des maillots. Ils sont d’ailleurs très-douloureux pour les enfants eux-mêmes, et ils les jettent dans une sorte de désespoir en les empêchant de se servir de leurs membres. On croit alors pouvoir apaiser leurs cris en leur adressant certaines paroles. Mais que l’on enveloppe ainsi un homme fait, et l’on verra s’il ne crie pas aussi et s’il ne tombe pas aussi dans le chagrin et le désespoir.

En général il faut remarquer que la première éducation doit être purement négative, c’est-à-dire qu’on ne doit rien ajouter aux précautions qu’a prises la nature, mais se borner à ne pas détruire son œuvre. S’il y a un art permis dans l’éducation, c’est celui qui a pour but d’endurcir les enfants. — Il faut donc rejeter les maillots. Si cependant on veut prendre quelque précaution, ce qu’il y a de plus convenable est une espèce de boîte garnie de lanières par en haut. Les Italiens s’en servent et la nomment arcuccio. L’enfant reste toujours dans cette boite et on l’y laisse même pour l’allaiter. On empêche même par là que la mère, en s’endormant la nuit pendant l’allaitement, n’étouffe son enfant. Chez nous beaucoup d’enfants périssent de cette façon. Cette précaution est donc préférable au maillot, car les enfants ont par là une plus grande liberté, et elle les empêche de se déformer comme il arrive souvent par l’effet même du maillot.

Une autre habitude dans la première éducation, c’est de bercer les enfants. Le moyen le plus simple est celui qu’emploient quelques paysans. Ils suspendent le berceau à des poutres au moyen d’une corde, et ils n’ont alors qu’à le pousser : le berceau se balance de lui-même. Mais en général le bercement ne vaut rien. On voit même chez de grandes personnes que le balancement produit l’étourdissement et une disposition à vomir. On veut étourdir ainsi les enfants afin de