Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/324

Cette page a été validée par deux contributeurs.
200
PÉDAGOGIE.

L’éducation privée est donnée ou par les parents eux-mêmes, ou, quand par hasard ceux-ci n’en ont pas le temps, la capacité ou le goût, par d’autres personnes, qui leur servent d’auxiliaires moyennant une rétribution. Mais cette éducation donnée ainsi par des auxiliaires présente ce très-grave inconvénient que l’autorité s’y trouve partagée entre les parents et les maîtres. L’enfant doit se conduire d’après les préceptes de ses maitres, et il faut aussi qu’il suive les caprices de ses parents. Dans une éducation de ce genre, il est nécessaire que les parents abandonnent toute leur autorité aux maîtres.

Mais jusqu’à quel point l’éducation privée est-elle préférable à l’éducation publique, ou la seconde à la première ! En général l’éducation publique semble plus avantageuse que l’éducation domestique non-seulement sous le rapport de l’habileté, mais aussi sous celui du vrai caractère d’un citoyen. L’éducation domestique, loin de corriger les défauts de famille, les augmente.

Combien de temps doit durer l’éducation ? Jusqu’à l’époque où la nature même a voulu que l’homme se conduisit lui-même, où se développe en lui l’instinct du sexe, où il peut lui-même devenir père et être chargé à son tour d’une éducation à faire, c’est-à-dire environ jusqu’à la seizième année. Après cette époque, on peut bien encore avoir recours à des maîtres qui continuent de le cultiver, et le soumettre à une discipline secrète, mais il n’y a plus d’éducation régulière à lui donner.

La soumission de l’élève est ou positive, — en ce sens qu’il doit faire ce qui lui est prescrit, puisqu’il ne peut juger par lui-même et que la faculté d’imitation existe encore en lui ; — ou négative, en ce sens qu’il doit faire ce que désirent les autres, s’il veut qu’à leur tour ceux-ci fassent quelque chose pour lui plaire. Il est exposé, dans le premier cas, à être puni ; dans le second, à ne pas obtenir ce qu’il désire ; il est ici, bien qu’il puisse déjà penser, sous la dépendance de son plaisir.

Un des plus grands problèmes de l’éducation est de concilier sous une contrainte légitime la soumission avec la faculté de se servir de sa liberté. Car la contrainte est nécessaire ! Mais comment cultiver la liberté par la contrainte ? Il faut que j’accoutume mon élève à souffrir que sa liberté soit soumise à une contrainte, et qu’en même temps je l’instruise à en faire