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PÉDAGOGIE.


enfants. Mais pour rendre ceux-ci meilleurs, il est nécessaire de faire de la pédagogie une étude ; autrement il n’y a rien à en espérer, et l’éducation est confiée à des hommes d’une mauvaise éducation. Il faut dans l’art de l’éducation substituer la science au mécanisme ; sans quoi elle ne sera jamais un effort continu, et une génération pourrait bien renverser ce qu’une autre aurait bâti.

Un principe de pédagogie que devraient surtout avoir devant les yeux les hommes qui font des plans d’éducation, c’est qu’on ne doit pas élever les enfants d’après l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après un état meilleur, dans l’avenir, c’est-à-dire d’après l’idée de l’humanité et de son entière destination. Ce principe est d’une grande importance. Les parents n’élèvent ordinairement leurs enfants qu’en vue du monde actuel, si corrompu qu’il soit. Ils devraient au contraire leur donner une éducation meilleure, afin qu’un meilleur état en pût sortir dans l’avenir. Mais deux obstacles se rencontrent ici : 1o  les parents n’ont ordinairement souci que d’une chose, c’est que leurs enfants fassent bien leur chemin dans le monde, et 2o  les princes ne considèrent leurs sujets que comme des instruments pour leurs desseins.

Les parents songent à la maison et les princes à l’État. Les uns et les autres ne se proposent pas pour but dernier le bien général[1] et la perfection à laquelle l’humanité est destinée. Les bases d’un plan d’éducation doivent avoir un caractère cosmopolitique. Mais le bien général est-il une idée qui puisse être nuisible à notre bien particulier ? Nullement ! Car, quoiqu’il semble qu’il lui faille faire des sacrifices, on n’en travaille que mieux au bien de son état présent. Et alors que de nobles conséquences ne s’ensuivent pas ! Une bonne éducation est précisément la source de tout bien dans le monde. Les germes qui sont dans l’homme doivent toujours se développer davantage ; car il n’y a pas dans les dispositions naturelles de l’homme de principe du mal. La seule cause du mal, c’est qu’on ne ramène pas la nature à des règles. Il n’y a dans l’homme de germe que pour le bien.

De qui doit-on attendre l’amélioration de l’état du monde ?

  1. Weltbeste.