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DOCTRINE DE LA VERTU



CONCLUSION.

LA RELIGION,
comme science des devoirs envers dieu, est placée au-delà des limites de la pure philosophie morale.


Protagoras d’Abdère commençait un livre par ces mots : « Y a-t-il des dieux ou n’y en a-t-il point ? C’est ce que je ne saurais dire[Note de l’auteur 1]. » Il fut pour ce fait chassé de la cité et de son territoire par les Athéniens, et ses livres furent brûlés sur la place publique (Quinctiliani Inst. Orat. lib. 3, cap. 1). — Or les juges d’Athènes firent en cela, comme hommes, une chose très-injuste[1] ; mais, comme magistrats[2] et comme juges, ils agirent d’une manière juridique[3] et conséquente ; car, comment aurait-on pu prêter serment, s’il n’avait été décrété publiquement et légalement par le pouvoir souverain (de par le Sénat) qu’il y a des dieux ?[Note de l’auteur 2]

  1. Unrecht.
  2. Als Staatsbeamte.
  3. Rechtlich.

  1. « De diis, neque ut sint, neque ut non sint, habeo dicere. »
  2. Plus tard, il est vrai, un grand sage, dans sa législation morale, a entièrement interdit le serment comme absurde et touchant presque au blasphème ; mais, dans l’ordre politique, on continue toujours de croire qu’il est absolument impossible de ne pas mettre ce moyen mécanique au service de l’administration de la justice publique, et l’on a imaginé de commodes interprétations pour échapper à cette défense. — Comme ce serait une absurdité de jurer d’abord qu’il y a un Dieu (puisqu’il faut l’avoir déjà supposé, pour pouvoir jurer en général), reste la question de savoir si un serment est possible et valable, lorsque l’on ne jure qu’au cas qu’il y ait un Dieu (sans rien décider à cet égard, à l’exemple de Protagoras). — Dans le fait tous les serments qui sont faits honnêtement et avec réflexion peuvent bien n’avoir pas d’autre sens. — Car que quel-