doute un devoir de faire remarquer à un ami les fautes qu’il peut commettre ; car c’est agir pour son bien, et par conséquent c’est un devoir d’amour. Mais l’ami ainsi averti ne voit là qu’un manque d’estime auquel il ne s’attendait pas : il croit avoir déjà baissé dans votre esprit, ou du moins, se voyant ainsi observé et secrètement critiqué, il craint toujours de perdre votre estime. D’ailleurs le seul fait d’être observé et censuré lui paraîtra déjà une chose offensante par elle-même.
Combien dans l’adversité ne souhaite-t-on pas un ami, surtout un ami effectif et trouvant abondamment dans ses propres ressources les moyens de vous secourir ? Mais aussi c’est un bien lourd fardeau, que de se sentir enchaîné à la fortune d’un autre, et chargé de pourvoir à ses nécessités. — L’amitié ne peut donc pas être une union fondée sur des avantages réciproques, mais il faut que cette union soit purement morale. L’assistance sur laquelle chacun croit pouvoir compter de la part de l’autre en cas de besoin, ne doit pas être considérée par lui comme le but et la raison déterminante de l’amitié, — car il perdrait ainsi l’estime de son ami, — mais seulement comme la marque extérieure de cette bienveillance intérieure que chacun suppose dans le cœur de l’autre, sans pourtant vouloir la mettre à l’épreuve, chose toujours dangereuse. Chacun des deux amis a la générosité de vouloir épargner à l’autre ce fardeau, en le portant seul, et il a même soin de le lui cacher entièrement, mais il se flatte toujours de pouvoir compter sûrement, en cas de besoin, sur l’assistance de son ami. Que si l’un reçoit de l’autre un bienfait, peut-être a-t-il