Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


CONCLUSION DE LA DOCTRINE ÉLÉMENTAIRE.
de l’union intime de l’amour et du respect dans l’amitié.
§ 46.


L’amitié (considérée dans sa perfection) est l’union de deux personnes liées par un amour réciproque et un égal respect. — On voit aisément qu’elle est l’idéal de la sympathie et de la bienveillance entre des hommes unis par une volonté moralement bonne, et que, si elle ne produit pas tout le bonheur de la vie, les deux sentiments qui la composent rendent l’homme digne d’être heureux ; d’où il suit que c’est pour nous un devoir de cultiver l’amitié. — Mais, si c’est un devoir imposé par la raison, sinon un devoir commun, du moins un devoir méritoire[1], de tendre à l’amitié comme au maximum des bons sentiments des hommes les uns à l’égard des autres, il est aisé de voir que l’amitié parfaite est une pure idée qu’il est impossible de réaliser absolument, quoiqu’elle soit pratiquement nécessaire. En effet, comment, dans l’union de deux personnes, s’assurer que chacun des deux éléments qui constituent le devoir de l’amitié (par exemple celui de la bienveillance réciproque) est égal de part et d’autre ? Ou, ce qu’il est encore plus important de savoir, comment découvrir quel est dans la même personne le rapport des deux sentiments constitutifs de l’amitié (la bienveillance et le respect), et si, lorsque l’une

  1. Ehrenvolle Pflicht.