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DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


l’expérience. Si donc, pour exprimer toute l’horreur qu’ils inspirent, on peut appeler certains d’entre eux des vices diaboliques, de même que l’on pourrait nommer leurs contraires des vertus angéliques, ces deux expressions ne désignent que des idées d’un maximum que nous concevons comme une mesure propre à nous guider dans l’appréciation du degré de notre moralité, en nous montrant notre place dans le ciel ou dans l’enfer, au lieu de faire de l’homme une sorte d’être intermédiaire qui n’habite ni l’un ni l’autre de ces lieux. Il n’est pas ici nécessaire de décider si Haller n’a pas mieux rencontré en faisant de l’homme « un intermédiaire équivoque entre l’ange et la bête. » Mais le fait de partager en deux[1] un assemblage de choses hétérogènes ne conduit à aucune idée déterminée, et rien, dans l’ordre des êtres dont la différence spécifique nous est inconnue, ne peut nous conduire à une idée de ce genre. La première opposition (des vertus angéliques et des vices diaboliques) est une exagération. La seconde, quoiqu’il soit malheureusement trop vrai que les hommes tombent dans des vices brutaux, ne nous autorise pourtant pas à leur attribuer sur ce point des dispositions inhérentes à leur espèce, pas plus que la forme rabougrie de certains arbres dans une forêt n’est pour nous une raison d’en faire une espèce particulière de végétaux.



DEUXIÈME SECTION.


des devoirs de vertu envers les autres hommes, concernant le respect qui leur est dû.


§ 37.


Modérer ses prétentions en général, c’est-à-dire restreindre volontairement son amour de soi-même, en tenant compte aussi de l’amour de soi chez les autres, c’est ce qu’on appelle la modestie. L’absence de cette

  1. Das Halbiren.