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DOCTRINE DE LA VERTU


quant au degré, et cela à cause de la fragilité (fragilitas) de la nature humaine.

Cette perfection en effet, que notre devoir est de poursuivre, mais non d’atteindre (dans cette vie), et dont par conséquent l’accomplissement ne peut être autre chose qu’un progrès continu, est, par rapport à l’objet (à l’idée que l’on doit se proposer de réaliser), un devoir envers soi-même strict et parfait ; mais, par rapport au sujet, elle est un devoir large et imparfait.

Les profondeurs du cœur humain sont insondables. Qui se connaît assez pour dire, quand il se sent poussé à faire son devoir, si c’est uniquement la considération de la loi qui le détermine, ou s’il n’est pas influencé par d’autres mobiles sensibles, l’espoir de quelque avantage ou la crainte de quelque dommage, qui, dans une autre occasion, pourraient tout aussi bien le pousser au vice ? — Pour ce qui regarde la perfection, comme fin morale, il n’y a sans doute dans l’idée (objectivement) qu’une seule vertu (je parle de cette force morale qu’exigent les maximes[1]), mais dans le fait (subjectivement) il y a une foule de vertus d’espèce différente, au-dessous desquelles il serait impossible de ne pas trouver, si l’on en voulait faire la recherche, quelque défaut de vertu[2] (quoique, à cause de la nature même de ces vertus, on n’ait pas coutume de lui donner le nom de vice). Mais une somme de vertus, dont la connaissance de nous-mêmes ne peut jamais nous

  1. Als sittliche Stärke der Maximen.
  2. Irgend eine Untugend.