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DOCTRINE DE LA VERTU


à l’entendement pratique qui fournit la règle ; mais l’imputabilité intérieure[1] d’un acte, comme cas soumis à la loi (in meritum aut demeritum) appartient au jugement (judicium), lequel, comme principe subjectif de l’imputabilité de l’action, décide au nom de la loi[2] si cette action a eu lieu ou non comme acte imputable[3] (comme action soumise à une loi), après quoi vient la décision de la raison (la sentence), qui joint à l’action son juste effet (la condamnation ou l’absolution). Et c’est ce qui se passe en justice (coram judicio), ou devant ce qu’on appelle le tribunal (forum) qui est comme une personne morale chargée de procurer à la loi son effet. — Ce tribunal intérieur que l’homme sent en lui ( « devant lequel ses pensées s’accusent ou se justifient mutuellement » ) est la conscience[4].

Tout homme a une conscience et se sent observé, menacé et en général tenu en respect (sorte d’estime mêlée de crainte) par un juge intérieur, et cette puissance qui veille en lui à l’exécution des lois n’est pas quelque chose qui soit son ouvrage (volontaire), mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense s’y soustraire. Il a beau s’étourdir ou s’endormir au sein des plaisirs et des distractions ; il ne saurait s’empêcher de faire parfois un retour sur lui-même, ou de se réveiller, dès qu’il entend sa voix terrible. Il peut bien tomber dans un tel degré d’abjection qu’il en vienne à ne plus s’en soucier ; mais il ne peut jamais éviter de l’entendre.

Cette disposition originaire, à la fois intellectuelle et

  1. Innere Zurechnung.
  2. Rechtskräftig.
  3. Als That.
  4. Das Gewissen.