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iii
DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


transporte du domaine du droit, où l’on ne peut nous demander compte des raisons qui nous déterminent, dans celui de la vertu, où le motif est tout.

Objet propre de la doctrine de la vertu ou de l’éthique.

Telle est justement la différence de la doctrine du droit et de la doctrine de la vertu. La doctrine du droit, en tant qu’elle reste purement juridique, n’a point à s’occuper d’autre chose que de l’exercice extérieur de la liberté ; aussi bien la contrainte dont elle autorise l’usage ne saurait-elle aller plus loin, La doctrine de la vertu, au contraire, poursuit quelque, chose qui échappe à toute contrainte extérieure, je veux dire le principe moral qui doit nous servir de motif ou de but. Il ne s’agit plus seulement pour nous d’accomplir certains actes, auxquels il est possible et légitime de nous contraindre, mais de nous proposer certaines fins, à ce titre seul que ce sont des devoirs. Aussi la doctrine de la vertu, à laquelle Kant réserve le nom d’éthique dans le cadre général de sa morale, peut-elle être définie le système des tins que la raison pure assigne à notre volonté.

Cette idée d’une fin qui est en même temps un devoir a besoin d’explication 1[1].

De l’idée d’une fin qui est en même temps un devoir.

La doctrine du droit remonte des fins que nous pouvons nous proposer à la lui qui doit régler l’exercice de notre liberté dans la poursuite de ces fins. Cette loi, comme on l’a vu, est celle de l’accord de la liberté de chacun avec la liberté de tous. Mais, pourvu que nous ne fassions rien qui soit de nature à troubler cet accord, nous restons libres de donner à nos actes le but qui nous convient. La doctrine de la vertu ou l’éthique suit une autre méthode et présente un autre caractère. Partant de la loi même qui lui sert de fondement, elle détermine, d’après cette loi, certaines fins qu’elle nous oblige de nous proposer et dont elle nous fait des devoirs. Nous ne sommes plus libres ici, comme dans le cas précédent, de nous proposer la fin qui nous convient ; il faut que nous nous donnions pour but celle-là même que détermine la loi morale, ou que nous conformions notre intention à cette loi. Cette obligation s’applique aussi aux devoirs de droit ; sous ce rap-

  1. 1 Introduction, II. Explication du concept d’une fin qui est aussi un devoir, trad. franc., p. 16.