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INTRODUCTION.


science de devoirs en général, mais aussi comme une science de fins[1] : l’homme est obligé en effet de se concevoir lui-même et de concevoir aussi tout autre homme comme étant une fin pour lui. C’est ce que l’on a coutume d’appeler le devoir de l’amour de soi et celui de l’amour du prochain ; mais ces expressions ne s’accordent pas entre elles, car aimer ne peut être directement un devoir, mais bien agir de telle sorte que l’on se prenne soi-même et que l’on prenne les autres pour but.

3o En ce qui touche, dans le principe du devoir, la distinction de la matière et de la forme (de la finalité et de la légitimité), il faut remarquer que toute obligation de vertu[2] (obligatio ethica), n’est pas un devoir de vertu (officium ethicum s. virtutis) ; en d’autres termes, que le respect de la loi en général ne constitue pas encore une fin à l’état de devoir, car une fin peut seule être un devoir de vertu. — Aussi n’y a-t-il qu’une seule obligation de vertu, tandis qu’il y a plusieurs devoirs de vertu. C’est que, s’il y a plusieurs objets, qui sont pour nous des fins, qu’il est aussi de notre devoir de nous proposer, il n’y a qu’une intention vertueuse, comme principe subjectif de la détermination de remplir son devoir, et que, si cette intention s’étend aussi aux devoirs de droit, on ne peut pourtant pas les appeler à cause de cela des devoirs de vertu. — Toute division de l’éthique ne peut donc porter que sur des devoirs de vertu. La science de ce mode d’obligation par lequel nous nous reconnaissons liés, indépen-

  1. Zwecklehre.
  2. Tugendverpflichtung.