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INTRODUCTION.


XVI.


la vertu exige d’abord l’empire de soi-même.


Il y a une différence essentielle entre les affections et les passions. Les affections appartiennent au sentiment, en tant que, précédant la réflexion, il la rend difficile ou impossible. Aussi dit-on qu’elles sont soudaines[1] (animus præceps) ; et la raison, par l’idée de la vertu, ordonne en pareil cas de se contenir[2]. Pourtant cette faiblesse dans l’usage de notre entendement, jointe à la force du mouvement de l’âme[3], n’est que l’absence de la vertu[4] ; c’est, pour ainsi dire, quelque chose de puéril et de faible, qui peut très-bien se rencontrer avec la meilleure volonté, et qui offre encore au moins cet avantage, que la tempête sera bientôt calmée. Un penchant à une affection (par exemple à la colère), ne va donc pas si bien avec le vice que la passion. Celle-ci au contraire est un désir[5] sensible devenu une inclination constante (par exemple la haine, par opposition à la colère). Le calme avec lequel on s’y livre laisse place à la réflexion, et permet à l’esprit de se faire des principes à ce sujet, et ainsi, quand l’inclination porte sur quelque chose de contraire à la loi, de la couver, de lui laisser prendre de profondes racines et d’admettre par là (comme de propos délibéré) le mal dans ses maximes, ce qui est alors un mal qualifié, c’est-à-dire un véritable vice.

  1. Yäh oder yach.
  2. Sich fassen.
  3. Gemüthsbewegung.
  4. Untugend.
  5. Begierde.