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DOCTRINE DE LA VERTU


qu’il ne tient aucun compte de ses arrêts. Car, s’il n’en avait réellement pas, il ne s’imputerait aucune action conforme au devoir, ou ne s’en reprocherait aucune comme y étant contraire, et par conséquent il ne saurait songer au devoir d’avoir une conscience.

Je laisse ici de côté les diverses divisions de la conscience, et me borne à remarquer, ce qui découle de ce qui précède, qu’une conscience erronée est un non-sens. En effet, quand il s’agit de juger objectivement si une chose est ou n’est pas un devoir, je puis bien parfois me tromper ; mais, au point de vue subjectif, quand il s’agit simplement de savoir si j’ai rapproché cette chose de ma raison pratique (qui prononce ici), pour en porter un jugement, je ne puis me tromper, puisque, sans cette comparaison, je n’aurais point porté de jugement pratique, auquel cas il n’y aurait ni erreur ni vérité. Le manque de conscience[1] n’est point l’absence même de la conscience, mais un penchant à ne tenir aucun compte de ses jugements. Quelqu’un juge-t-il qu’il a agi suivant sa conscience, on ne peut rien lui demander de plus, en ce qui concerne l’innocence ou la culpabilité. Il dépend de lui seulement d’éclairer son intelligence sur ce qui est ou n’est pas de son devoir ; mais, quand il en vient ou en est venu à l’action, la conscience parle involontairement et inévitablement. On ne pourrait donc pas même faire un devoir d’agir suivant sa conscience, car autrement il faudrait une seconde conscience, pour avoir conscience des actes de la première.

  1. Gewissenlosigkeit