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DOCTRINE DE LA VERTU


elle s’élève par là au-dessus du devoir de droit. — Dans l’impératif moral, lequel entraîne nécessairement la supposition de la liberté, la loi, le pouvoir de la remplir, et la volonté qui détermine les maximes, sont tous les éléments qui constituent le concept du devoir de droit. Mais le concept du devoir de vertu contient en outre, avec celui d’une contrainte intérieure, celui d’une fin, que nous ne nous proposons pas naturellement, mais que nous devons nous proposer, et qui par conséquent est contenue dans la raison pure pratique, dont la fin suprême et absolue (laquelle est elle-même un devoir) consiste en ce que la vertu est à elle-même sa propre fin et trouve sa récompense dans le mérite qu’elle donne aux hommes. Aussi la vertu, dans son idéal, brille-t-elle d’un si vif éclat qu’elle paraît, au regard des hommes, éclipser la sainteté même, laquelle est au-dessus de toute tentation[Note de l’auteur 1]. C’est là une illusion : comme nous n’avons pas de mesure pour apprécier le degré de notre force, ainsi que la grandeur des obstacles que nous avons pu surmonter (c’est-à-dire les penchants de notre nature), nous sommes conduits à prendre les conditions subjectives de l’estimation d’une grandeur pour les conditions objectives de la grandeur en soi. Mais, si on la compare aux fins humaines, qui toutes ont leurs obstacles à surmonter, il est vrai de dire que le prix de la vertu, en tant qu’elle est à elle-même sa propre fin, surpasse de beaucoup



  1. Si bien que l’on pourrait varier ainsi les deux vers si connus de Haller :

    L’homme avec ses défauts
    Est supérieur à la foule des anges privés de volonté.