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DOCTRINE DE LA VERTU

manité (ce qui la distingue de l’animalité). On ne peut donc songer à la fin de l’humanité qui réside en notre personne, sans admettre en même temps que la raison veut et exige comme un devoir que nous nous rendions dignes de l’humanité par la culture en général, et que nous travaillions, en tant que cela dépend de nous-mêmes, à acquérir ou à développer le pouvoir de remplir toutes sortes de fins possibles. C’est en effet notre devoir de cultiver les dispositions que la nature a mises en nous, mais qu’elle y a mises à l’état brut, et c’est par là que nous nous élevons du rang de l’animal à celui de l’homme : il y a donc là un devoir absolu.

Mais ce devoir est un devoir d’éthique, c’est-à-dire un devoir d’obligation large. Il n’y a point de principe rationnel qui prescrive d’une manière déterminée jusqu’où l’on doit pousser la culture (le développement ou l’amélioration des facultés de notre esprit en matière de connaissance ou d’art). D’ailleurs la différence des positions où les hommes peuvent se trouver rend très-arbitraire le choix du genre d’occupation auquel ils peuvent consacrer leur talent. — Il n’y a donc pas ici de loi de la raison pour les actions, mais seulement pour les maximes des actions, et cette loi peut s’exprimer ainsi : « Cultive les facultés de ton esprit et de ton corps, de manière à les rendre propres à toutes les fins qui peuvent s’offrir à toi, ignorant quelles sont celles que tu auras à poursuivre. »

b. Culture de la moralité en nous. La plus grande perfection morale de l’homme consiste à faire son devoir, et à le faire par devoir (de telle sorte que la loi ne soit pas seulement la règle, mais encore le mobile