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DOCTRINE DE LA VERTU


lièrement les hommes à l’oubli de leurs devoirs ; l’aisance, la force, la santé, la prospérité en général, ayant une influence contraire, peuvent aussi, à ce qu’il semble, être considérées comme des fins qui sont en même temps des devoirs ; de telle sorte que ce serait un devoir pour moi, non-seulement de concourir au bonheur d’autrui, mais aussi de cultiver mon propre bonheur. – Mais alors même ce n’est pas le bonheur, c’est la moralité du sujet qui est le but ; il n’est que le moyen légitime[1] d’écarter les obstacles qui s’opposent à ce but. Aussi personne autre n’a-t-il le droit d’exiger de moi le sacrifice de mes fins, quand elles ne sont pas immorales. Chercher l’aisance pour elle-même n’est pas directement un devoir ; mais c’en peut bien être un indirectement, de détourner de soi la misère, comme une mauvaise conseillère. Mais alors, encore une fois, ce n’est pas mon bonheur, mais ma moralité, que je me fais un but et en même temps un devoir de conserver intacte.


VI.


L’éthique ne donne pas de lois pour les actions (comme le fait la doctrine du droit), mais seulement pour les maximes des actions


Le concept du devoir est immédiatement lié à celui d’une loi (alors même que j’y fais en outre abstraction de toute fin, comme matière du devoir) ; et c’est ce qu’indique déjà le principe formel du devoir ou de l’impératif catégorique : « Agis de telle sorte que la

  1. Erlaubte.