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DOCTRINE DE LA VERTU


comme les penchants de la sensibilité tendent à des fins (comme matière de la volonté), qui peuvent être contraires au devoir, la raison législative ne peut résister à leur influence qu’en leur opposant à son tour un but moral, qui doit être donné à priori et indépendamment de toute inclination.

On appelle fin[1] l’objet d’une volonté (d’un être raisonnable), déterminée par l’idée même de cet objet à le réaliser. – Or je puis bien être forcé par d’autres à faire certains actes qui tendent comme moyens à une certaine fin, mais non pas à me proposer cette fin à moi-même ; moi seul je puis me proposer pour fin quelque chose. – Mais si je suis, en outre, obligé de me proposer pour but quelque chose qui rentre dans les concepts de la raison pratique, et par conséquent de donner pour principe de détermination à ma volonté, outre un principe formel (tel que celui qu’implique le droit), un principe matériel, une fin qui puisse être opposée à celle qui résulte des penchants de la sensibilité, j’ai alors le concept d’une fin qui est un devoir en soi ; et la science n’en peut revenir à celle du droit, mais à l’éthique, c’est-à-dire à cette partie de la morale dont le concept n’implique autre chose qu’une contrainte exercée sur soi-même au nom des lois morales.

Par la même raison on peut encore définir l’éthique le système des fins de la raison pure pratique. – Fin et devoir de contrainte, ces deux expressions distinguent les deux divisions de toute la doctrine des

  1. Zweck, fin ou but