encore songer à le ramener à la doctrine du bonheur.
On imagine bien en définitive un certain bonheur moral
qui ne serait pas produit par des causes empiriques ;
mais c’est là une fiction contradictoire. — Il est vrai
que lorsque l’homme pensant est parvenu à vaincre les
penchants qui le poussaient au vice, et qu’il a conscience
d’avoir fait son devoir, en dépit de tous les
obstacles, il se trouve dans un état de paix intérieure
et de contentement que l’on peut très-bien appeler
du bonheur, et où la vertu est à elle-même sa propre
récompense. — Or, dit le partisan de la doctrine du
bonheur[1], ce plaisir, ce bonheur est précisément le mobile qui nous porte à la vertu. Le concept du devoir, selon lui, ne détermine pas immédiatement notre volonté, mais nous ne sommes poussés à faire notre devoir
qu’au moyen du bonheur que nous avons en perspective.
— Mais il est clair que, pour pouvoir attendre
cette récompense de la seule conscience du devoir accompli,
il faut avoir eu d’abord cette conscience ; c’est-à-dire
qu’il faut se sentir obligé à faire son devoir avant
de savoir que le bonheur en doit être la conséquence,
et qu’ainsi l’on ne peut songer à cela tout d’abord.
La doctrine dont nous parlons tourne donc dans un
cercle avec son explication[2]. En effet, le partisan de cette doctrine ne peut espérer d’être heureux (ou de goûter la félicité intérieure), s’il n’a pas conscience d’avoir fait son devoir ; et il ne peut être poussé à faire
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PRÉFACE.