Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xcviii
ANALYSE CRITIQUE


tellectuelles et morales. Cette culture achève l’œuvre commencée par la discipline qui s’est mêlée nécessairement aux premiers pas de l’enfant dans la carrière de la vie, mais qui n’est que le point de départ et non la fin de l’éducation. Telle est la nature de l’homme que les soins mêmes qu’exige son corps pendant son enfance et les exercices physiques auxquels on le soumet sont déjà pour lui un commencement d’éducation, et qu’ils appellent la discipline qui prépare son caractère ; voilà le principe que Kant avait devant les yeux dans les observations qui ont précédé. Mais cette discipline ne serait pas celle qui convient à des hommes, si l’on n’y joignait la culture de l’esprit et de l’âme. Il faut donc chercher maintenant quelle méthode ou quelles règles on doit suivre dans cette nouvelle partie de l’éducation.

On a imaginé un système d’après lequel les enfants apprendraient en jouant toutes les choses qu’ils ont besoin de savoir. C’est la théorie du travail attrayant, appliquée à l’enfance. Kant réfute fort bien ce système déjà combattu par Lichtenberg 1[1]. Il rappelle comment le travail est la loi de l’homme en ce monde, quelle salutaire influence il exercé sur lui, et combien par conséquent il importe d’apprendre aux enfants à travailler. Cela est d’autant plus important que, si l’homme est voué au travail, il est aussi enclin & la paresse, et qu’il n’y a pas de penchant qui, tourné en habitude, ait sur lui plus d’empire. « C’est donc rendre à l’enfant un très-mauvais service que de l’accoutumer à tout regarder comme un jeu. Il faut sans doute qu’il ait ses moments de récréation, mais il faut aussi qu’il ait ses moments de travail. S’il n’aperçoit pas d’abord l’utilité de cette contrainte, il la reconnaîtra plus tard 2[2] » Que le travail, mêlé de repos ou de récréations, soit donc la loi de l’éducation, comme il est celle de la vie humaine. C’est pourquoi aussi Kant veut que l’on déclare une guerre acharnée à cette autre ennemie du travail, la distraction. « Les plus beaux talents, dit-il 3[3], se perdent chez un homme sujet à la distraction. » C’est qu’elle dégénère aisément en habitude ; aussi ne doit-elle jamais être tolérée.

Une autre règle importante à suivre dans la culture des

  1. 1 P. 218.
  2. 2 P. 219.
  3. 3 P. 221.