Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxxvii
DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


à l’université de Kœnigsberg, il était tenu de faire à certaines époques des leçons de Pédagogie. On sait combien était alors cultivée en Allemagne cette science dont le nom seul fait sourire nos beaux esprits. Kant avait pris pour manuel de son enseignement le livre d’un de ses collègues, Samuel Bock, mais il ne s’en servait que comme d’un texte à observations, et il le commentait avec toute l’originalité et toute la richesse de son propre esprit. Il avait recueilli pour cet objet un certain nombre de notes, écrites, comme les pensées de Pascal, sur des feuilles détachées, Ces notes réunies composent un véritable traité de pédagogie, qui méritait de figurer parmi ses œuvres et qui méritait aussi d’être traduit en français. Sans doute il n’y faut pas chercher un ensemble harmonieux et complet : ce n’est ici qu’un recueil d’observations cousues les unes aux autres, et non un ouvrage savamment composé ; aussi ne doit-on pas s’étonner d’y rencontrer plus d’une lacune et bien des redites. Mais en revanche, au lieu d’une étude pénible, comme celle d’un traité didactique dans le goût allemand, on y trouve une lecture aussi facile qu’instructive, aussi attrayante que solide. Je voudrais en extraire en quelque sorte la substance, pour donner à mes lecteurs une juste idée des nobles inspirations et des trésors d’observations qu’ils y pourront puiser eux-mêmes.

On a vu par le mot que j’ai cité en commençant quelle importance Kant attribuait au problème de l’éducation : elle contient en germe tout le perfectionnement de l’humanité, « Il est doux de penser, ajoute-t-il 1[1], que la nature humaine sera toujours mieux développée par l’éducation, et que l’on arrivera ainsi à lui donner la forme qui lui convient par excellence. » Avec tout son siècle, il croit au bonheur futur de l’espèce humaine, et c’est dans les progrès de l’éducation qu’il en découvre la perspective. A cet égard, le présent lui garantit l’avenir, « On commence aujourd’hui, dit-il 2[2], à juger exactement et à apercevoir clairement ce qui constitue proprement une bonne éducation. » — « Les hommes, dit-il encore 3[3], n’avaient autrefois aucune idée de la perfection dont la nature humaine est capable ; » il reconnaît d’ailleurs que cette idée

  1. 1 Traduction française p. 190.
  2. 2 Ibid.
  3. 3 p. 192.