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Dans les beaux-arts, le principe de l’idéalisme de la finalité est encore plus clair. Ils ont cela de commun avec la nature qu’on n’y peut admettre un réalisme esthétique fondé sur des sensations (car ce ne seraient plus des beaux-arts mais des arts agréables). D’un autre côté, la satisfaction produite par des idées esthétiques ne doit pas dépendre de certaines fins proposées à l’art (qui n’aurait plus alors qu’un but mécanique) ; par conséquent, même dans le rationalisme du principe, elle repose sur l’idéalité et non sur la réalité des fins : c’est ce qui résulte clairement de ce que les beaux-arts, comme tels, ne doivent pas être considérés comme des productions de l’entendement et de la science, mais du génie, et qu’ainsi ils reçoivent leur règle des idées esthétiques, lesquelles sont essentiellement différentes des idées rationnelles de fins déterminées.

De même que l’idéalité des objets des sens, considérés comme phénomènes, est la seule manière d’expliquer comment leurs formes peuvent être déterminées a priori, de même l’idéalisme de la finalité, dans le jugement du beau de la nature et de l’art, est la seule supposition qui permette à la critique d’expliquer la possibilité d’un jugement de goût, c’est-à-dire d’un jugement qui réclame a priori une validité universelle (sans fonder sur des concepts la finalité qui est représentée dans l’objet).