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pas représentée par des concepts déterminés, elle seule est l’objet de la satisfaction que la simple réflexion de l’esprit sur cette quantité de sensations, simultanées ou successives, joint au jeu de ces sensations, comme une condition universellement valable de sa beauté ; elle seule peut permettre au goût de s’attribuer d’avance quelque droit sur le jugement de chacun.

Mais ce qu’il y a de mathématique dans la musique n’a certainement pas la moindre part à l’attrait et à l’émotion qu’elle produit ; ce n’est là que la condition indispensable (conditio sine qua non) de cette proportion, dans la liaison comme dans la succession des impressions, qui permet de les rassembler en les empêchant de se détruire réciproquement, et par laquelle elles s’accordent, pour produire, au moyen d’affections correspondantes, un mouvement, une excitation continuelle de l’esprit, et par là une jouissance personnelle durable.

Si, au contraire, on estime la valeur des beaux-arts d’après la culture qu’ils donnent à l’esprit et qu’on prenne pour mesure l’extension des facultés qui dans le Jugement doivent concourir à la connaissance, la musique occupe alors le dernier rang entre les beaux-arts, parce qu’elle n’est qu’un jeu de sensations (tandis qu’au contraire, à ne considérer que l’agrément, elle est peut-être la première). Les