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peut expliquer l’attrait de cet art, qui se communique si universellement. Toute expression prend dans la parole un ton approprié à sa signification ; ce ton désigne plus ou moins une affection de celui qui parle et l’excite aussi dans l’auditeur, et cette affection à son tour éveille en celui-ci l’idée exprimée dans la parole par ce ton. La modulation est donc pour les sensations comme une langue universelle, intelligible à tout homme. Or la musique l’emploie dans toute sa force, et ainsi, d’après la loi de l’association, elle communique universellement les idées esthétiques qui y sont liées naturellement. Mais comme ces idées esthétiques ne sont pas des concepts et des pensées déterminées, c’est la forme de la composition de ces sensations (l’harmonie et la mélodie), au lieu de la forme du langage, qui seule, par un accord proportionné de toutes les parties entre elles (accord qui repose sur le rapport du nombre des vibrations de l’air dans des temps égaux, en tant que les tons formés par ces vibrations sont liés simultanément ou successivement, et qui, par conséquent, peut être mathématiquement ramené à des règles certaines), sert à exprimer l’idée esthétique d’un tout bien lié, comprenant une quantité inexprimable de pensées, conformément à un certain thème qui constitue l’affection dominante du morceau. Bien que cette forme mathématique ne soit