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d’ailleurs il manque rien au sens, en tant qu’il sert à la connaissance des objets, et quoiqu’il puisse être même singulièrement subtil. Ainsi on ne peut dire avec certitude si une couleur ou un ton (un son) doit être rangé parmi les sensations agréables ou est déjà en soi un beau jeu de sensations, et contient, à ce titre, une satisfaction liée à sa forme dans le jugement esthétique. Quand on songe à la rapidité des vibrations de la lumière ou de l’air, qui surpasse de beaucoup en apparence toute notre faculté de juger immédiatement, dans la perception, les proportions de la division du temps par ces vibrations, on croirait que nous n’en sentons que l’effet sur les parties élastiques de notre corps, mais que nous ne remarquons pas et ne pouvons juger la division du temps par ces vibrations, et qu’ainsi l’agréable seul, et non la beauté de la composition, est lié aux couleurs et aux tons. Mais si, d’un autre côté, en premier lieu, on considère les rapports mathématiques qu’on peut démontrer comme constituant la proportion des vibrations dans la musique et le jugement que nous en portons, et qu’on juge la distinction des couleurs, comme il est juste, par analogie avec la musique ; si, en second lieu, on se rappelle les exemples, quoique rares, d’hommes qui ne pouvaient distinguer les couleurs, avec la meilleure vue du monde, ou les tons, avec l’ouïe la plus fine, tandis