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présentent à l’œil, isolées ou réunies, et d’après l'effet qu’elles font sur l’imagination. On voit pourquoi l’art figuratif peut être rattaché (par analogie) au geste qui fait partie du langage : c’est que l’âme de l’artiste donne par ses formes une expression corporelle à sa pensée et au mode de sa pensée, et fait parler à la chose-même comme, un langage mimique. C’est là un jeu très fréquent de notre fantaisie qui suppose dans les choses inanimées une âme qui nous parle par leurs formes.

3. L’art de produire un beau jeu de sensations (venant du dehors), qui doit aussi pouvoir être universellement partagé, ne peut porter sur autre chose que sur la proportion des divers degrés de la disposition (de la tension) du sens, auquel appartient la sensation, c’est-à-dire sur le ton de ce sens ; et, ainsi largement entendu, comme le jeu de l’art peut mettre en mouvement ou les sensations de l’ouïe, ou celles de la vue, cet art peut se diviser en musique et en coloris. — Il est remarquable que ces deux sens, outre la capacité qu’ils ont de recevoir autant d’impressions qu’il est nécessaire pour recevoir, au moyen de ces impressions, des concepts des objets extérieurs, sont encore capables d’une sensation particulière qui y est mêlée, et au sujet de laquelle on ne peut décider si elle a son principe dans le sens ou dans la réflexion ; et que cette affectibilité peut manquer quelquefois, sans que