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d’expression constitue une parfaite communication entre ceux qui parlent. En effet la pensée, l’intuition et la sensation sont par là transmises aux autres simultanément et conjointement.

Il n’y a d’après cela que trois espèces de beaux-arts : l’art parlant, l’art figuratif, et l’art du jeu des sensations (comme impressions sensibles extérieures), On pourrait aussi diviser les beaux-arts en deux parties, selon qu’ils expriment les pensées ou les sensations, et cette dernière espèce d’arts serait divisée à son tour en deux autres parties, suivant qu’on y considérerait la forme ou la matière (la sensation). Mais cette division paraîtrait trop abstraite et moins conforme aux idées ordinaires.

1. Les arts parlants sont l'éloquence et la poésie. L'éloquence est l’art de donner à un exercice sérieux de l’entendement le caractère d’un libre jeu de l’imagination ; la poésie, l’art de donner à un libre jeu de l’imagination le caractère d’un exercice sérieux de l’entendement.

Ainsi l'orateur promet quelque chose de sérieux, et, pour charmer ses auditeurs, il l’exécute comme s’il ne s’agissait que d’un jeu d’idées. Le poëte n’annonce qu’un jeu amusant d’idées, et il produit sur l’entendement le même effet que s’il n’avait eu pour but que d’occuper cette faculté. L’union et l’harmonie de ces deux facultés de connaître, la sensibilité et l’entendement, qui ne peuvent se passer