Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bornerai, pour être court, à un petit nombre d’exemples.

Quand le grand Frédéric s’exprime ainsi dans une de ses poésies :[1]

Oui, finissons sans trouble et mourons sans regrets,
En laissant l’univers comblé de nos bienfaits.
Ainsi l’astre du jour au bout de sa carrière,
Répand sur l’horizon une douce lumière ;
Et les derniers rayons qu’il darde dans les airs,
Sont les derniers soupirs qu’il donne à l’univers ;

il vivifie cette idée, que la raison lui donnait, d’une âme cosmopolite jusqu’à la fin de la vie, par un attribut qu’y associe l’imagination (évoquant le souvenir de tout ce qu’il y a de délicieux dans une soirée sereine, succédant à un beau jour d’été), et qui éveille une multitude de sensations et de représentations secondaires, pour lesquelles on ne trouve pas d’expression. Réciproquement, un concept intellectuel peut servir d’attribut à une représentation des sens, et l’animer par une idée du supra-sensible ; mais on n’applique à cet usage que l’élément esthétique subjectivement inhérent à la conscience du supra-

  1. Épître au maréchal KEITH, sur les vaines terreurs de la mort et les frayeurs d’une autre vie. Œuvres du philosophe de Sans-Souci, 4750, 2e volume. —J’ai cité les vers français qui sont ici traduits en allemand, mais j’avoue que l’exemple donné par Kant ne gagne pas beaucoup à cette restitution du texte. J. B.