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une autre nature avec la matière que lui fournit la nature réelle. Elle sait nous charmer là où l’expérience nous semble trop triviale ; elle la transforme, en suivant toujours il est vrai des lois analogiques, mais aussi d’après des principes qui ont une plus haute origine, qui ont leur source dans la raison (et qui sont tout aussi naturels pour nous que ceux d’après lesquels l’entendement saisit la nature empirique) ; et en cela nous nous sentons indépendants de la loi de l’association (laquelle est inhérente à l’usage empirique de l’imagination), car si c’est en vertu de cette loi que nous tirons de la nature la matière dont nous avons besoin, nous l’appliquons à un usage supérieur et qui dépasse la nature.

On peut appeler du nom d’idées ces représentations de l’imagination ; car, d’une part, elles tendent au moins à quelque chose qui est placé au-delà des limites de l’expérience, et elles cherchent ainsi à se rapprocher de l’exhibition des concepts de la raison (des idées intellectuelles), ce qui leur donne une apparence de réalité objective ; et d’autre part, ce qui est le principal motif, il ne peut y avoir de concept parfaitement adéquat à ces représentations, en tant qu’intuitions internes. Le poète essaie de rendre sensibles[1] des idées d’êtres invisi-

  1. versinnlichen. Le verbe correspondant manque en français.