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nation et en même temps si pleines par la pensée, ont pu tomber et s’accorder dans sa tête, car il ne le sait pas lui-même, et, par conséquent, il ne peut l’apprendre aux autres. Le plus grand inventeur, en fait de science, ne diffère donc que par le degré du plus laborieux imitateur, mais il diffère spécifiquement de celui que la nature a doué pour les beaux-arts. Ce n’est pas que nous voulions abaisser ici ces grands hommes, auxquels le génie humain doit tant de reconnaissance, devant ces favoris de la nature qu’on appelle des artistes. Comme les premiers sont destinés par leur talent à concourir au perfectionnement sans cesse croissant des connaissances et de tous les avantages qui en dépendent, ainsi qu’à l’instruction du genre humain, ils ont en cela une grande supériorité sur eux. En effet l’art n’est pas comme la science, il s’arrête quelque part, car il a des limites qu’il ne peut dépasser, et ces limites ont été sans doute atteintes depuis longtemps et ne peuvent plus être reculées ; en outre, l’habileté qui fait le génie de l’artiste, il ne peut la communiquer, il l’a reçue immédiatement de la main de la nature et elle meurt avec lui, jusqu’à ce que la nature en produise un autre aussi heureusement doué, et qui n’a besoin que d’un exemple pour exercer son talent à son tour.

Si la règle de l’art (des beaux-arts) est un don naturel, de quelle espèce est donc cette règle ? Elle