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tion, (comme il arrive chez les abeilles), sans pourtant les concevoir comme effets ; mais quand on nomme simplement une chose œuvre d’art, pour la distinguer d’un effet de la nature, on entend toujours par là une œuvre des hommes.

2. L’art, en tant qu’habileté de l’homme, se distingue aussi de la science (comme pouvoir de savoir), comme la faculté pratique de la faculté théorique, comme le technique de la théorie (comme, par exemple, l’arpentage de la géométrie). Et ainsi une chose qu’on peut faire, dès qu’on sait ce qu’il faut faire et que l’on connaît suffisamment le moyen à employer pour arriver à l’effet désiré, n’est pas précisément de l’art. Il ne faut chercher l’art que là où la connaissance parfaite d’une chose ne nous donne pas en même temps l’habileté nécessaire pour la faire. Camper décrit très exactement la manière de faire un bon soulier, mais lui-même assurément n’eût pu en faire un[1].

3. L'art se distingue aussi du métier ; le premier est appelé libéral, le second peut être appelé mercenaire. On ne considère l’art que comme un jeu,

  1. Dans mon pays, un homme du peuple à qui on propose un problème comme celui de l’œuf de Colomb, dit que ce n’est pas de l'art, mais de la science ; ce qui veut dire que quand on sait la chose, on la peut ; et il parle de la même manière du prétendu art du joueur de gobelets. Il n’hésitera pas au contraire à appeler art l’adresse du danseur de corde.