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§. XLIII.

De l’art en général.

I. L’art se distingue de la nature comme faire (facere) se distingue d’agir (agere), et il y a entre une production de l’art et une production de la nature la différence d’une œuvre (opus) à un effet (effectus).

On ne devrait appliquer proprement le nom d’art qu’aux choses produites avec liberté, c’est-à-dire avec une volonté qui prend la raison pour principe de ses actions. En effet, quoiqu’on aime à appeler œuvres d’art les productions des abeilles (les rayons de cire régulièrement construits), on ne parle ainsi que par analogie ; car dès qu’on s’est aperçu que leur travail n’est point fondé sur une réflexion qui leur soit propre, on dit que c’est une production de leur nature (de l’instinct) et on en renvoie l’art à leur créateur.

Lorsqu’en fouillant dans un marais on trouve, comme il arrive quelquefois, un morceau de bois taillé, on ne dit pas que c’est une production de la nature, mais de l’art ; la cause efficiente de cette production a conçu une fin à laquelle cet objet doit sa forme. D’ailleurs on reconnaît aussi de l’art dans toutes les choses qui sont telles que leur cause, avant de les produire, en a dû avoir la représenta-