Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jugement un intérêt immédiat, égal à celui de l’objet du second : seulement tandis que celui-là est libre, celui-ci est fondé sur des lois objectives. Ajoutez à cela l’admiration de ces belles productions de la nature où celle-ci se montre artiste, non par l’effet du hasard, mais comme avec intention, suivant une ordonnance régulière, et nous révèle une finalité dont nous ne trouvons le but nulle part au dehors, en sorte que nous le cherchons naturellement en nous-mêmes, dans le but final de notre existence, à savoir dans la destination morale (la recherche du principe de la possibilité de cette finalité de la nature se présentera dans la téléologie).

Il est facile de montrer que la satisfaction attachée aux beaux-arts n’est pas liée à un intérêt immédiat, comme celle qui s’attache à la belle nature. En effet, ou bien une œuvre d’art est une imitation de la nature, qui va jusqu’à faire illusion, et alors elle produit le même effet qu’une beauté naturelle (puisqu’on la prend pour telle) ; ou bien elle a visiblement pour but de nous satisfaire, et alors la satisfaction qui s’attacherait à cette œuvre serait à la vérité produite immédiatement par le goût, mais il n’y aurait pas d’autre intérêt que celui qu’on attacherait médiatement à la cause même ou au principe de cette œuvre, c’est-à-dire à un art, qui ne peut intéresser que par son but, jamais par lui-même. On dira peut-être que c’est