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lise un semblable accord ; par conséquent l’esprit ne peut pas réfléchir sur la beauté de la nature, sans s’y trouver en même temps intéressé. Or cet intérêt est moral par alliance ; et celui qui prend de l’intérêt à la beauté de la nature ne le peut faire qu’à la condition d’avoir déjà su attacher un solide intérêt au bien moral. On a donc raison de supposer au moins de bonnes dispositions morales en celui que la beauté de la nature intéresse immédiatement.

On dira que cette interprétation des jugements esthétiques, qui leur suppose une parenté avec le sentiment moral, paraît trop raffinée pour qu’on puisse la regarder comme la véritable explication du langage symbolique que la nature nous parle dans ses belles formes. Mais d’abord cet intérêt immédiat qui s’attache au beau de la nature n’est réellement pas commun ; il n’est propre qu’à ceux dont l’esprit ou a déjà été cultivé pour le beau, ou est éminemment propre à recevoir cette culture ; chez ceux-là l’analogie qui existe entre le pur jugement de goût, qui, sans dépendre d’aucun intérêt, nous fait éprouver une satisfaction et la représente en même temps a priori comme convenant à l’humanité en général, et le jugement moral, qui arrive au même résultat par des concepts, même sans le secours d’une réflexion claire, subtile et préméditée, cette analogie communique à l’objet du premier