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plus ou qu’un simple jugement de goût dépouillé de tout intérêt, ou qu’un jugement lié à un intérêt médiat, c’est-à-dire venant de la société ; et cette dernière espèce d’intérêt ne fournit aucun signe certain de dispositions moralement bonnes. Cet avantage qu’a la beauté naturelle sur la beauté artistique d’exciter seule un intérêt immédiat, quoiqu’elle puisse être aisément surpassée par celle-ci, quant à la forme, cet avantage s’accorde avec l’esprit épuré et solide de tous les hommes qui ont cultivé leur sentiment moral. Qu’un homme, ayant assez de goût pour apprécier les productions des beaux-arts avec l’exactitude et la finesse la plus grande, quitte sans regret la chambre où brillent ces beautés qui satisfont la vanité et le besoin des plaisirs de la sociétés et qu’il cherche la beauté de la nature pour y trouver comme une volupté qui soutienne son esprit dans cette voie dont on ne peut jamais toucher le terme ; nous considérerons cette préférence avec respect, nous supposerons à cet homme une belle âme, que nous n’attribuerons pas à un connaisseur ou à un amateur, parce qu’il éprouve de l’intérêt pour les objets de l’art.— Quelle est donc la différence de ces appréciations si diverses de deux espèces d’objets qui dans le simple jugement de goût se disputeraient à peine la supériorité ?

Nous avons une faculté de juger purement es-