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tion des limites qui restreignent accidentellement notre propre jugement, c’est-à-dire en écartant autant que possible ce qui dans le mode de représentation est matière, ou sensation, pour porter toute son attention sur les propriétés formelles de cette représentation ou de ce mode de représentation. Or cette opération de la réflexion paraîtra peut-être trop artificielle pour pouvoir être attribuée à ce qu’on appelle le sens commun ; mais elle ne paraît ainsi que quand on l’exprime par des formules abstraites ; il n’y a rien de plus naturel en soi que de faire abstraction de tout attrait et de toute émotion, quand on cherche un jugement qui puisse servir de règle universelle.

Voici des maximes de l’intelligence commune, qui ne font point partie, il est vrai, de la critique du goût, mais qui peuvent servir à l’explication de ses principes : 1° penser par soi-même ; 2° penser en se mettant à la place d’autrui ; 3° penser de manière à être toujours d’accord avec soi-même. La première est la maxime d’un esprit libre de préjugés ; la seconde, celle d’un esprit étendu ; la troisième, celle d’un esprit conséquent. La première maxime est celle d’une raison qui n’est jamais passive. La tendance à une raison passive, par conséquent à l’hétéronomie de la raison, s’appelle préjugé ; et le plus grand de tous est de se représenter la nature comme n’étant pas soumise à ces règles