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Au contraire, la satisfaction que nous attachons au caractère moral d’une action n'est pas un plaisir de la jouissance, mais de la spontanéité et de sa conformité à l’idée de sa destination. Mais ce sentiment, qu’on appelle le sentiment moral suppose des concepts ; il ne révèle pas une libre finalité, mais une finalité conforme à des lois ; par conséquent, il ne peut être universellement partagé que par le moyen de la raison, et si le plaisir peut être ici le même pour chacun, c’est que les concepts de la raison pratique peuvent être parfaitement déterminés.

Le plaisir lié au sublime de la nature, comme plaisir d’une contemplation raisonnante[1] prétend aussi au droit d’être universellement partagé ; mais lui-même suppose déjà un autre sentiment, celui de notre destination supra-sensible, qui, si obscur qu’il soit, a un fondement moral. Mais je ne suis pas fondé à supposer que d'autres hommes aurons nécessairement égard à ce sentiment, et qu’ils trouveront dans la contemplation de la grandeur sauvage de la nature une semblable satisfaction (qui n’a pas ici véritablement pour objet l’aspect de la nature, car cet aspect est plutôt effrayant). Et cependant, en considérant qu’en toute occasion favorable, on doit avoir en vue les principes de la

  1. Vernünflelnden.